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L'affaire Cahuzac met à mal la République exemplaire voulue par Hollande

Par Hervé ASQUIN

PARIS, 03 avr 2013 (AFP) - La chute de Jérôme Cahuzac, passé aux aveux après avoir nié farouchement pendant des mois être le détenteur d'un compte bancaire occulte à l'étranger, fragilise un peu plus encore François Hollande, mis en porte-à-faux avec sa promesse d'une "République exemplaire" et sommé de s'expliquer.

Avec une exceptionnelle célérité mais aussi une "grande sévérité", le chef de l'Etat a condamné, une heure à peine après la révélation de cet aveu, l'"impardonnable faute morale" commise par l'ancien ministre du Budget qui a nié "l'existence de ce compte devant les plus hautes autorités du pays ainsi que la représentation nationale".

"Je n'avais aucune raison de ne pas le croire", a enchaîné le Premier ministre Jean-Marc Ayrault au journal de 20 heures de France 2, jurant qu'il ne disposait d'"aucun élément d'information" permettant de douter de la parole de Jérôme Cahuzac même s'il avait pu nourrir "des doutes" et "des interrogations" à son endroit.

Pour Jérôme Fourquet (Ifop), les aveux de Jérôme Cahuzac posent non seulement "la question de l'autorité du président et de sa capacité de discernement" mais représentent aussi "un cas très embarrassant" pour lui alors qu'il avait "fait campagne sur une République exemplaire et la rupture avec Nicolas Sarkozy, le président ami des riches".

"Même si la ligne de défense de l'Elysée consiste à dire que la main de Hollande n'a pas tremblé quand elle a scié la branche Cahuzac, la question se pose : c'est quand même lui qui l'a nommé au Budget et il n'a pas eu la capacité de lui faire dire la vérité", observe le politologue.

"Je veux une République exemplaire", proclamait le candidat Hollande dans ses 60 engagements pour la France, soulignant en creux que la précédente majorité, confrontée notamment à l'affaire Bettencourt et à la mise en cause du ministre Eric Woerth, avait raté l'objectif de la République "irréprochable" voulue par Nicolas Sarkozy.

Dans la soirée, l'entourage du chef de l'Etat s'est défendu d'avoir fait preuve de "naïveté", invoquant plutôt la "défaillance d'un homme" qui a "menti à toutes les autorités de l'Etat" et "s'est enfermé pendant des mois dans des dénégations totales pour sortir sur un aveu".

François Hollande a été "bafoué et trahi" par son ancien ministre, a concédé la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, sa collègue Delphine Batho (Ecologie) parlant d'"un coup de poignard dans le dos".

Le président de la République n'en avait guère besoin cinq jours après une interview télévisée qui a échoué à surmonter le scepticisme et la morosité des Français. Flirtant avec la barre des 30%, sa popularité a atteint la cote d'alerte.

L'affaire Cahuzac menace de surcroît de parasiter la visite d'Etat qu'il doit effectuer mercredi et jeudi au Maroc alors que la droite soupçonne l'exécutif d'avoir couvert ce poids lourd du gouvernement. "La question (...) est de savoir si le président de la République, le Premier ministre et les membres du gouvernement étaient au courant et s'ils ont couvert ces faits", a lâché Jean-François Copé, le président de l'UMP.

Un soupçon également agité à la gauche de la majorité présidentielle : "Où s'arrête la chaîne du mensonge ? Qui savait et n'a rien dit ?", s'est interrogé Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) tandis que le PCF a dénoncé un "scandale d'Etat" et les Verts, un "mensonge d'Etat".

Pour Jérôme Fourquet, cette affaire va encore "alimenter le scénario de difficultés qui s'enchaînent et se multiplient pour Hollande et questionner son leadership puisqu'il donne le sentiment qu'il ne tient pas les rênes et peut se faire balader par un ministre, et pas des moindres".

Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po, souligne que cette affaire risque de renforcer la "défiance" des Français et "touche la gauche de gouvernement au coeur de ses valeurs (...) d'intégrité, de justice, d'effort, de rigueur". Tout cela, a encore prévenu le politologue sur France Info, aura certainement "un coût pour la confiance de plus en plus ténue" accordée au gouvernement et au président Hollande. 

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