Jordan Bardella ou Jean-Luc Mélenchon en lice pour Matignon. François Hollande fait son retour en politique... Depuis la dissolution surprise de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron au soir des européennes, une folle séquence politique s'est ouverte dans laquelle plus rien ne semble impossible.
Dans le cadre de la nouvelle union des gauches, La France insoumise (LFI) a même investi un fiché S pour les législatives anticipées.
Porte-parole de La Jeune Garde, Raphaël Arnault est en effet candidat aux législatives du 30 juin et 7 juillet prochains à Avignon. Les membres de ce mouvement d'extrême gauche «sont généralement issus de la mouvance anarcho-libertaire», expliquait le politologue Jean-Yves Camus dans une enquête du Figaro consacrée à ce groupuscule violent. Avec un autre activiste du même groupe, ce jeune homme de 29 ans avait par exemple été accusé d'avoir agressé un militant de droite. Il avait en outre été condamné pour injure raciste envers la policière Linda Kebbab.
Surtout, ce proche d'Olivier Besancenot et de Philippe Poutou est fiché S. Une information qui a suscité de vives réactions. Au point que la gauche locale a décidé de soutenir un autre candidat face à ce jeune homme jugé «trop extrémiste». Au-delà de ces dissensions locales, le fait d’être fiché S ne pourrait-il pas faire obstacle à l’entrée de ce Raphaël Arnault au Palais Bourbon ?
Un simple outil de renseignement
Être fiché S ne signifie pas que l’on fait l'objet de poursuites ou de sanctions pénales. La fiche S n’est pas non plus un mandat d’arrêt et n’implique pas forcément de surveillance active. Elle est avant tout une mesure administrative demandée par la justice, la police ou la gendarmerie. Concrètement, la fiche S est une sous-division du Fichier des Personnes Recherchées (FPR) qui selon le site du service public, «sert à rechercher, surveiller ou contrôler certaines personnes». 580.000 personnes sont inscrites au FPR, parmi lesquelles plus de 30.000 fiches S, selon les chiffres du rapport d'information de l'ex-sénateur LR François Pillet en décembre 2018.
Au total, le FPR compte environ 642.000 fiches (une même personne peut faire l'objet de plusieurs fiches). Il existe d’autres catégories de fiche que les fiches S, comme la fiche M (mineurs fugueurs) ou V (évadé). Souvent évoquée en lien avec les affaires de terrorisme, la fiche S concerne toute personne pouvant porter atteinte à la «sûreté de l’État» : terroristes bien sûr, mais aussi écologistes violents ou militants de groupuscules politiques extrémistes, comme c’est le cas de Raphaël Arnault. Au fond, c’est un simple outil de renseignement à la disposition de l’administration.
Effet repoussoir sur les électeurs ?
La loi définit clairement les critères d'inéligibilité. Seules les personnes ayant été condamnées à la perte de leurs droits civiques par la justice ont l'interdiction de déposer leur candidature et par conséquent d'être élues. Selon le ministère de l'Intérieur, cette décision de justice peut être prononcée par le juge administratif ou le Conseil constitutionnel pour les élus n'ayant pas satisfait à leurs obligations en matière de comptes de campagne ou de déclaration de patrimoine.
La fiche S n'empêche donc en rien de se présenter à une élection ni d'être élu. On peut même imaginer que certains députés élus lors des dernières législatures étaient fichés S sans même le savoir. En effet, le fichier FRP est confidentiel et n'a théoriquement pas vocation à être rendu public. Toujours est-il que Raphaël Arnault peut donc tout à fait se présenter aux législatives et, en cas de victoire, devenir député. En revanche, il n’est pas impossible que l'existence de cette fiche S, maintenant qu’elle a été révélée dans la presse, puisse porter préjudice à l’image de Raphaël Arnault et peser en sa défaveur auprès des électeurs de la première circonscription du Vaucluse.
in "Le Figaro" - Lundi 17 Juin 2024