In Challenge soir - 10.06.2015
Le traqueur des dépenses superflues de l’Etat, c’est lui. Pour ChallengeSoir, le député socialiste René Dosière décrypte l’affaire Valls et invite le Premier Ministre à la transparence. Et à sortir son chéquier.
La polémique sur le déplacement de Manuel Valls à Berlin pour assister à la finale de la Ligue des Champions prend de l’ampleur. Le Premier Ministre a-t-il commis une faute ?
Manuel Valls affirme que c’était un déplacement professionnel et je n’ai aucune raison de ne pas le croire. Il a eu des contacts avec les dirigeants des fédérations et a fait du lobbying pour pousser la candidature de Michel Platini à la FIFA. Mais ce déplacement avait aussi un caractère privé puisque qu’il a emmené ses enfants. Selon les règles de la Cour des Comptes, si le président de la République ou le Premier Ministre utilisent les avions de la République pour un déplacement privé, ils doivent rembourser l’Etat sur la base des tarifs commerciaux. Manuel Valls devrait donc rembourser le prix des billets Paris-Berlin pour ses deux enfants.
Un aller-retour en Falcon qui coûte près de 15.000 euros. N’est-ce pas choquant ?
L’opinion publique est choquée mais elle doit savoir que si Manuel Valls avait utilisé un avion de ligne, cela aurait coûté plus cher au contribuable. Pour leurs déplacements, le Président et le Premier Ministre mobilisent des fonctionnaires, chargés notamment de leur sécurité. Surtout, un avion de la flotte gouvernementale doit les accompagner pour pouvoir les ramener à Paris, en cas d’urgence. Lorsqu’il était à l’Elysée, Nicolas Sarkozy utilisait des lignes régulières pour ses déplacements privés. Mais la Cour des Comptes l’avait averti que c’était plus coûteux pour l’Etat car un avion présidentiel voyageait à vide sur le même trajet. Prendre une ligne régulière, c’est du cinéma…
Utiliser les moyens de l’Etat et rembourser, est-ce le meilleur système ?
Oui, c’est ce que faisait François Fillon lorsqu’il était à Matignon. En 2009 et 2010, il avait effectué 7 déplacements privés avec la flotte gouvernementale et avait remboursé 6.955 euros.
Comment empêcher les dérapages ?
L’opinion publique n’accepte pas qu’on dépense 15.000 euros en utilisant les moyens de l’Etat, pour aller voir un match de foot, même si on rembourse une petite partie. Cela signifie que quand on est Premier Ministre, on ne fait pas de déplacement privé qui peut être jugé onéreux. C’est la dictature de l’opinion publique: à Matignon, on ne peut pas se payer ce genre de fantaisie. Car tout déplacement mobilise obligatoirement les gros moyens de protection de l’Etat, ce qui est d’ailleurs justifié: jamais nos dirigeants n’ont été autant en danger.
Les ministres ont-ils fait des efforts d’économies sur les déplacements en avion ces dernières années ?
Oui. La rupture est très nette. A l’Elysée, à Matignon et dans les ministères, le nombre d’heures de vols des avions mis à disposition par l’Armée de l’Air a baissé de moitié. Il y a une forte pression pour inciter les ministres à limiter les déplacements: leurs crédits budgétaires globaux ont baissé et ils doivent obligatoirement rembourser l’utilisation des avions à l’ETEC, un escadron du ministère de la Défense, qui facture l’heure de vol à un prix élevé.