PARIS, 03 avr 2013 (AFP) - Les aveux de l'ex-ministre Jérôme Cahuzac après quatre mois de mensonge au sujet de son compte à l'étranger continuaient mercredi matin de provoquer une onde de choc dans le monde politique qui fragilise un peu plus un exécutif impopulaire.
Comme il y a deux semaines lorsqu'il s'est agi de démissionner M. Cahuzac après l'ouverture d'une enquête, l'Elysée n'a pas tardé à réagir mardi soir pour dénoncer la "faute impardonnable" de l'ancien ministre du Budget, mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale.
Le président François Hollande, qui entame mercredi après-midi une visite d'Etat au Maroc, fera auparavant une déclaration télévisée à l'issue du Conseil des ministres.
Mardi soir sur France 2, c'est Jean-Marc Ayrault qui était monté en première ligne pour souligner que l'exécutif n'avait "aucune raison de ne pas croire" l'ancien ministre. S'estimant "trahi" par M. Cahuzac, le chef du gouvernement lui a demandé de "prendre ses responsabilités" et de renoncer à sa carrière politique.
Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, a de son côté estimé que M. Cahuzac s'était "exclu de fait du Parti socialiste" dont il ne sera "désormais plus membre", et lui a demandé de renoncer à ses mandats électifs.
Si l'opposition avait été plutôt clémente à l'égard de M. Cahuzac après les premières révélations de Mediapart début décembre, ses aveux de mardi ont changé la donne et permis l'ouverture d'un nouveau front contre la majorité.
Jean-François Copé, président de l'UMP, a ainsi jugé sur Europe 1 que François Hollande avait au mieux fait preuve de "candeur", au pire "menti".
"Qui peut croire aujourd'hui que François Hollande et Jean-Marc Ayrault n'étaient au courant de rien?", a attaqué le député-maire de Meaux, qui souhaite que les deux têtes de l'exécutif "s'en expliquent beaucoup plus profondément devant les Français".
La "République exemplaire" promise par M. Hollande durant la campagne de 2012 lui revient comme un boomerang. "Vous vous souvenez de la formule +Moi président+ ? Moi président, je rétablirai la croissance, elle s'effondre, moi président je garantis la sécurité, l'insécurité explose, moi président je rétablirai la morale, il n'y a plus de quoi faire des leçons de morale", a fustigé M. Copé.
Celui qui pourrait être son adversaire à l'automne pour la présidence de l'UMP, Laurent Wauquiez, n'a pas été en reste. Sur LCI, le député-maire du Puy-en-Velay a fait valoir qu'on "ne place pas à un poste comme ministre du Budget quelqu'un comme M. Cahuzac, sans avoir pris toutes les vérifications". "C'était un personnage sulfureux", dont "on savait que ses rapports avec l'argent n'étaient pas clairs", a-t-il accusé.
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a dû en retour sur Europe 1 prendre la défense du président et du Premier ministre. Ils n'étaient "bien entendu", selon elle, pas au courant du compte non déclaré détenu depuis une vingtaine d'année par M. Cahuzac à l'étranger.
Selon elle, "c'est un homme qui a menti, c'est pas une institution, c'est pas un parti, c'est pas un gouvernement".
La porte-parole a d'ailleurs rapporté que chacun avait interrogé personnellement l'ancien ministre du Budget qui répondait invariablement n'être "au courant de rien". "J'entends qu'on parle de naïveté", a lancé Mme Vallaud-Belkacem . Mais "nous avions d'un côté les allégations de Mediapart et les dénégations" de Jérôme Cahuzac de l'autre.
Comme ses collègues du gouvernement, M. Cahuzac avait dû remplir après sa nomination une déclaration de patrimoine. Mais là aussi il a menti, a déploré la ministre de l'Ecologie Delphine Batho sur France Inter.
Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, est lui aussi éclaboussé par cette affaire, avec des accusations de membres de l'opposition, notamment de M. Copé, d'avoir entravé l'enquête et tenté de blanchir son ministre délégué au Budget.
Faux, a rétorqué M. Moscovici sur RTL. "Il n'y a eu aucune complaisance, aucune volonté d'entraver la justice", a-t-il assuré. Il a mis en avant ses demandes adressées aux autorités helvétiques pour obtenir des informations sur l'existence d'un compte en Suisse de son ex-ministre du Budget, soldées selon par une réponse négative.
La presse française était mercredi particulièrement sévère avec M. Cahuzac après ses mensonges répétés dans l'hémicycle ou sur les plateaux de télévision. "Indigne", titre Libération. Pour Paul-Henri du Limbert du Figaro, "à l'heure où la France s'enfonce chaque jour un peu plus dans la crise, rien n'est plus grave que l'atmosphère de suspicion généralisée que provoquera inévitablement l'affaire Cahuzac".
"Dans la stratégie du mensonge éhonté devant micros et caméras, on ne voit guère que Lance Armstrong pour rivaliser avec Jérôme Cahuzac !", préfère ironiser Hervé Favre dans La Voix du Nord.