L'abandon de la réforme constitutionnelle n'est pas le premier renoncement de François Hollande depuis 2012. Retour sur ces «reculades» plus ou moins évidentes du chef de l'Etat et ses différents gouvernements.
Mercredi, François Hollande a annoncé qu’il renonçait à convoquer le Congrès pour institutionnaliser l’état d’urgence et surtout la déchéance de nationalité.
«J'ai décidé de clore le débat», a-t-il tranché, enterrant la très controversée réforme constitutionnelle. Décision raisonnable pour les uns, aveux de faiblesse pour les autres, ce renoncement n'est pas le premier du quinquennat. Retour sur ces mesures auxquelles le candidat ou le président Hollande semblait tenir mais qui ont connu la même déconvenue que la déchéance de nationalité.
Le droit de vote des étrangers.
C'est l'une des promesses de campagne phares du candidat François Hollande. Le socialiste souhaitait que les étrangers hors Union européenne puissent eux-aussi voter lors d'élections locales. Applaudie par les associations anti-racisme ainsi que la majorité de la gauche, la mesure, qui passe en revanche très mal à droite, nécessite une révision de la Constitution. Rapidement, l'exécutif s'est donc retrouvé dans une impasse, comme l'expliquait Bernard Cazeneuve en novembre dernier : «On ne peut faire aboutir cette mesure que dans deux cadres : soit avec une majorité qualifiée des trois cinquièmes du congrès», c'est-à-dire des deux chambres du Parlement réunies, «soit par référendum», expliquait-il dans Libération. Or selon un sondage Odoxa pour «Le Parisien» paru en décembre, 60% des Français y sont opposés. «Aucune chance» qu'une telle réforme soit adoptée à court terme, donc pour le ministre de l'Intérieur.
Les récépissés pour éviter les contrôles au faciès.
La remise d’un récépissé de contrôle d’identité par les policiers doit permettre de lutter contre la répétition des contrôles dits «au faciès», jugés abusifs par certaines associations anti-racisme. Or, très vite, l'ex-ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, montre ses réticences à mettre en place cet engagement de campagne de François Hollande. Au point d'engendrer des frictions avec le Premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault. Toutefois, dès septembre 2012, le chef du gouvernement plie, revoit sa copie, et annonce l'abandon du projet.
La fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu.
Au cœur du programme de François Hollande, cette fusion de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de l'impôt sur le revenu a failli modifier la fiscalité française en profondeur. Le but ? Prendre le meilleur des deux systèmes pour plus d'égalité, et notamment la proportionnalité variable de l'impôt en fonction de tranches. Mais Ayrault n'a finalement jamais réussi à imposer cette mesure quand il était à Matignon. L'an dernier, c'est en tant que député qu'il fait voter un amendement sur la progressivité de la CSG. Et de jouir d'une petite revanche. Toutefois en décembre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré l'article car jugé «contraire au principe d'égalité». L'actuel ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, répète de toutes façons ne pas vouloir de cette fusion.
Une part de proportionnelle à l'Assemblée.
François Hollande l'avait promise lors dans ses 60 engagements de campagne, en vue des législatives de 2017. Il l'avait même écrit au président du MoDem, François Bayrou, qui avait fini par appeler à voter pour lui au second tour. Mais depuis, le parti du président a essuyé bon nombre d'échecs électoraux et vu grimper les scores du Front national. Si, encore récemment, les écologistes ont soumis l'idée au Parlement, le chef de l'Etat estime que cela favoriserait trop le parti d'extrême-droite et ne veut plus en entendre parler. François Hollande y préfèrerait un accord électoral avec les Verts.
L'écotaxe.
Autoroutes bloquées, pneus en flammes sur le périphérique parisien, portiques démantelés par des Bonnets rouges bretons... La mobilisation des routiers contre la «taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandise» a été telle qu'en octobre 2014, la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a fini par la ranger au placard. Cette «suspension» vaut pour l'instant d'abandon puisqu'il n'est plus question de taxer les poids lourds qui passent pas l'hexagone. A noter toutefois que même si François Hollande a réellement amorcé sa mise en place, ce n'était pas son idée. C'est Jean-Louis Borloo (UDI) qui, en 2009, avait été l'initiateur de cette mesure, votée dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
La réforme du code du travail.
C'est l'autre guêpier dont le gouvernement essaie actuellement de se sortir. La loi Travail, rebaptisée El Khomri avec l'arrivée de la nouvelle ministre, n'est pas abandonnée : il y aura bien une réforme du code du travail. Toutefois, après la fronde de l'aile gauche du PS, des syndicats et des mouvements étudiants, le gouvernement a revu à la baisse certaines mesures phares du texte. Dans la dernière version, les indemnités prud'homales en cas de licenciement ne sont plus plafonnées, le barème prévu n'étant finalement plus qu'indicatif. A l'origine, l'idée du gouvernement était de faciliter l'embauche en CDI en indiquant aux entreprises combien elles risquaient de payer au maximum en cas de licenciement. La surtaxation des CDD a elle aussi été abandonnée.
La loi pour l'accès au logement.
En février 2014, le Parlement a adopté définitivement le projet de loi Duflot sur le logement (loi Alur), instaurant notamment une garantie universelle des loyers (GUL) et un encadrement des loyers. Mais dès le mois de juin, une fois Cécile Duflot sortie du gouvernement sur fonds de désaccords avec Manuel Valls, le nouveau Premier ministre expliquait vouloir apporter «des modifications» à la loi Duflot. Le gouvernement assurait alors qu'il ne s'agissait pas d'une «remise en cause» du texte mais de simples ajouts de décrets pour permettre de redynamiser le secteur de l'immobilier. Depuis, le dispositif fiscal de la loi a été allégé et rebaptisé Pinel, du nom de la remplaçante de Cécile Duflot. Et l'encadrement des loyers, mesure phare de la première version, a été limité à Paris. L'ancienne ministre a dénoncé un «cadeau aux lobbies» des professionnels en défaveur des locataires. Nombre d'observateurs parlent de «détricotage» d'une loi «vidée de sa substance».
La taxe sur l'excédent brut d'exploitation.
«La politique, c'est aussi de la psychologie. Et là tout de suite, il n'est pas possible d'aller vers cette taxation.» Début octobre 2013, l'ex-ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, annonçait ainsi que l'exécutif renonçait à sa nouvelle taxe sur les entreprises, vivement contestée par le patronat. Elle aurait dû taxer l'excédent brut d'exploitation (EBE) des entreprises et devait rapporter 2,5 milliards d'euros à l'État. À l'époque, le gouvernement tente de camoufler son rétropédalage en annonçant dans la foulée qu'elle sera remplacée par «une surtaxe temporaire sur l'impôt sur les sociétés». Cette contribution exceptionnelle ne s'est en revanche appliquée qu'aux entreprises engrangeant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions.
La taxe à 75 % sur les très hauts revenus.
Elle a réellement existé, malgré toutes les polémiques qu'elle a suscitées. Mais cette promesse surprise de campagne de François Hollande, faite dans l'urgence pour contrer la montée de Jean-Luc Mélenchon à sa gauche, a fini par être envoyée aux oubliettes après une durée de vie d'à peine quelques mois. Dès octobre 2014, Manuel Valls confirmait depuis Londres que la taxe ne serait pas prolongée et disparaîtrait début 2015. François Hollande reste lui très discret sur le sujet.
La fermeture de Fessenheim en 2016.
«Pour fermer deux réacteurs comme ceux de Fessenheim, il ne suffit pas de tourner un bouton», défend Ségolène Royal. Depuis plusieurs mois, la ministre de l'Environnement semble préparer l'échec de l'engagement pris par François Hollande, malgré l'optimisme récemment affiché de l'écologiste et ministre du Logement, Emmanuelle Cosse. «Aucune garantie ne peut être donnée en termes de temps», précise pour sa part le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron. Comme depuis trois ans, les sons de cloches diffèrent. Une chose est sûre, si la «décision» peut encore être officiellement prise en 2016, la fermeture effective de la centrale est quasi-impossible dans le délai fixé par le candidat socialiste. Le processus devrait durer au moins jusqu'en 2018, selon Ségolène Royal.
Le cumul des mandats.
La loi votée par la majorité en janvier 2014 interdit, à partir de 2017, le cumul de fonctions exécutives locales (maire, adjoint, président de conseil général ou régional...) avec un mandat de député, de sénateur ou de parlementaire européen. Certains ont même déjà démissionné avant l'entrée en vigueur de cette réforme. D'autres, en revanche, se sont présentés aux dernières élections régionales tout en sachant qu'il resterait à leur poste. C'est le cas du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, élu en Bretagne. Sur le papier, les membres du gouvernement ne sont pas contraints au non-cumul des mandats. Mais l'engagement moral du candidat Hollande n'est ainsi pas respecté : «Moi, président de la République, les ministres ne pourraient pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local.» Et l'exception Le Drian d'être justifiée par l'état d'urgence et la menace d'attentats permanente de la France.