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  • Le regard des socialistes européens sur le PS

    La gauche européenne scrute avec inquiétude les déboires du parti socialiste français.

    ALLEMAGNE - Le SPD pointe «l'abîme» persistant entre les socialistes français

    À quelques semaines des élections législatives de septembre, le SPD allemand ne fait pas figure beaucoup plus reluisante que son homologue français. Pour autant, les problèmes entre les deux ­formations sont bien différents, selon Monika Griefahn, député SPD en Basse-Saxe : «Il existe en France un abîme entre les socialistes traditionnels et ceux qui sont sociaux-démocrates et, de toute évidence, ce fossé n'a pas été comblé depuis la dernière élection présidentielle et l'élection du premier secrétaire ; en Allemagne, cette différence n'existe pas.»

    Une des raisons tient selon Griefahn, membre du groupe parlementaire franco-allemand au Bundestag, aux personnalités à la tête du PS : «On voit qu'en France le succès dépend toujours de la personne à la tête du parti. Au contraire de ce qui passe au SPD, le PS possède deux personnalités très contradictoires avec Martine Aubry et Ségolène Royal, mais elles divisent plus le PS qu'elles ne le réunissent.»

    Le SPD, qui appartient encore à l'Internationale socialiste, continue de travailler avec ses collègues français. Malgré le choix du vocable de social- démocrate, le programme du parti «reste socialiste», selon Monika Griefahn, qui pense que le mot «est celui qui représente le mieux notre principe d'égalité des chances pour tous». Cela ne semble pourtant pas convaincre les électeurs : selon un sondage du magazine Focus, le candidat SPD Frank-Walter Steinmeier est tombé en juillet à 18 % d'opinions favorables, soit 40 points derrière la chancelière.

    ANGLETERRE - Les travaillistes conseillent un renouvellement des idées

    La crise que traverse le parti socialiste français ressemble à la situation du labour en Grande-Bretagne. Les travaillistes britanniques ont eux aussi réa­lisé un score affligeant aux élections européennes, et leur chef, Gordon Brown, est contesté au sein du parti. Mais à la différence du PS, le Labour est au pouvoir depuis 12 ans. «Les gens veulent du changement et c'est très difficile de lutter contre ça», affirme au Figaro Margaret Prosser, de la Chambre des lords. Pour elle, «au contraire, la gauche est dans l'opposition en France, elle devrait donc avoir de vraies idées neuves. Clairement, quelque chose ne va pas».

    Pour l'ancien député travailliste et pionnier des blogs sur Internet lord Soley, «les socialistes français n'ont pas fait les changements qui auraient dû avoir lieu il y a bien longtemps, comme accepter l'économie de marché. C'est pour cela qu'ils n'arrivent pas à accéder au pouvoir et qu'on ne peut pas s'appuyer sur eux.» Denis MacShane partage l'idée que le PS doit connaître une indispensable évolution, comme celle du Labour au début des années 1990. Pour y arriver, selon l'ancien secrétaire d'État à l'Europe de Tony Blair, «la gauche française ne devrait pas marginaliser ses talents comme Manuel Valls, Jack Lang ou Bernard Kouchner». Cependant, Margaret Prosser estime que, sans leader sûr de l'emporter largement, il vaut mieux ne pas diviser un parti en organisant de nouvelles primaires. Quant au changement de nom, les travaillistes ne l'estiment pas nécessaire. Certes, le parti travailliste s'est bien rebaptisé «New Labour» avec Tony Blair. Mais Denis MacShane précise que les démocrates américains ont gardé le même nom pendant 150 ans et les socialistes espagnols, 100 ans. Changer de nom pour le PS français, ce serait «comme repeindre une vieille voiture».

    ESPAGNE - Le PSOE s'inquiète de l'impact européen de la crise

    «Nous sommes très inquiets de voir comment le PSF ne parvient pas à sortir de cette crise qui dure depuis tant d'années», affirme Elena Valenciano, secrétaire générale de la politique internationale du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Pour la gauche espagnole, ces conflits internes sont très négatifs pour l'image du parti en France, mais aussi au niveau européen. «L'opinion publique punit par le vote les formations politiques qui ne montrent pas une image homogène. Comment voulez-vous qu'un parti divisé inspire confiance ?», lance-t-elle.

    Pour les socialistes espagnols, au pouvoir depuis 2004, le débat autour du référendum européen a été le point d'orgue de la division au sein du PS. «Toutes ces positions différentes au sein d'une même famille ont déconcerté les électeurs». À cela s'ajoute selon Elena Valenciano, les querelles entre barons. Aux yeux de la gauche ibérique, il est urgent que les socialistes français «fassent un grand effort» pour retrouver une unité non seulement autour d'un leader commun, mais aussi autour d'un programme d'idées. On s'étonne ici que les idées défendues par les Verts français n'aient pas été incluses dans le programme des socialistes et que les deux partis ne soient pas parvenus à former un ensemble gauche écologique lors du scrutin européen de juin. Mais ce qui inquiète surtout le PSOE, ce sont les répercussions européennes d'une telle division française. «Pour le bien des socialistes européens, qui ne sont pas les mieux lotis après les élections européennes, il est urgent que les Français donnent une image de cohésion, car leurs problèmes portent aussi préjudices aux autres socialistes d'Europe.»

    ITALIE - La gauche italienne se console en regardant Paris

    Tout aussi déchirée, sans idées et humiliée par ses défaites électorales que les socialistes français, la gauche italienne cherche en vain du côté de Paris un motif de réconfort. Sans se faire toutefois beaucoup d'illusions. L'un de ses représentants les plus lucides, Enrico Letta, l'un des dirigeants du Parti démocrate, a consacré un livre saisissant Construire une cathédrale au «mal obscur» qui ronge les deux gauches, italienne et française. Se référant à Emmanuel Todd, il attribue ce mal au fait que «l'ambition de gouverner leur est venue à manquer». Face à des leaders comme Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi, les gauches des deux pays auraient dû réaliser l'alliance la plus ample possible entre progressistes et modérés. Une alliance, qui, selon Letta, devrait aller en France jusqu'à ­François Bayrou et probablement aussi Daniel Cohn-Bendit.

    Assez curieusement, la gauche italienne se montre très pudique dans ses critiques des socialistes français. Sans doute sa propre situation ne lui fournit guère d'arguments pour donner des leçons. La «guerre des femmes» entre Martine Aubry et Ségolène Royal a été vue avec une inquiétude teintée d'ironie. L'entrée de transfuges venant des rangs socialistes dans le gouvernement de François Fillon, à commencer par Bernard Kouchner, est perçue comme un coup de maître de Nicolas Sarkozy. Et la seule à défendre en France les valeurs traditionnelles de la gauche lui paraît être… Carla Bruni-Sarkozy, dont les progressistes italiens ont pris la défense quand elle a été accusée de «snobisme de gauche» lors du G8 par Il Giornale, un quotidien de la famille Berlusconi.

    Caroline Bruneau (à Berlin), Rose Claverie (à Londres), Diane Cambon (à Madrid) et Richard Heuzé (à Rome)

  • Montebourg menace de quitter le PS

    Montebourg.jpg«L’immobilisme et le verrouillage, voilà plus de dix ans que je les rencontre au PS, comme député et comme responsable politique». Dans une tribune publiée ce mercredi par le site du Nouvel Observateur le député PS Arnaud Montebourg menace de quitter son parti si son combat pour des primaires ouvertes en vue des présidentielles de 2012 devait échouer.

     «Depuis le congrès de Reims, je suis officiellement en charge de la rénovation [du PS] et de sa transformation ; pourtant je crains que cette ultime tentative pour changer en profondeur se solde par un nouvel échec», écrit le député avant d'ajouter : «J'ai tout essayé. Par la face sud, par la face nord, avec les uns, avec les autres, mais toujours au service des mêmes idées.»

    «Seul François Bayrou a repris le flambeau»

    «Il y a une même continuité entre le drame du 21 avril 2002 et l’hyper-présidence sarkozyste, insiste le député. Je constate qu’aujourd’hui, les dirigeants socialistes sont muets sur cette question essentielle. J’avais aimé que Ségolène Royal, durant sa campagne présidentielle, la reprenne à son compte et c’est d’ailleurs pour cela que je lui avais apporté mon appui, lors de sa désignation par les militants socialistes. Aujourd’hui, je suis au regret de constater que seul François Bayrou a repris le flambeau.»

    Jugeant qu'on «cherche à étouffer» l'instauration de primaires populaires au sein du PS, Arnaud Montebourg tranche : «je le dis tout net, je n'irai pas plus loin. S'il devait échouer, ce combat serait pour moi le dernier, au sein d'un PS qui, telle la vieille SFIO, ne mériterait plus qu'on l'aide à survivre» et plus loin : «il y a dans ce parti trop de violence, trop de blocages, trop de poussières sous les tapis, trop de petits calculs».

    La réaction du PS n'a pas tardé

    L'ultimatum d'Arnaud Montebourg n'a pas tardé à faire réagir au sein du PS. «La démocratie, ce ne sont pas des ultimatums: la question des primaires doit être débattue sereinement, elles ne sont pas la solution miraculeuse à tous les problèmes du PS», lance ainsi M. Lamdaoui, proche de François Hollande et ex-secrétaire national chargé de l'Egalité au PS.

     «Ce qu'Arnaud Montebourg a envie de dire c'est qu'il faut que ça bouge, maintenant je ne suis pas d'accord avec la manière dont il l'exprime», a pour sa part déclaré Razzy Hammadi, secrétaire national du PS aux services publics, sur RMC. «Il faut qu'on bouge, qu'on bouge plus» mais «ça ne veut pas dire qu'on est dans l'immobilisme», a-t-il ajouté.