par Christophe Greuet - Midi Libre - 5 Juillet 2012
L'affaire aura mis un mois et demi à ressortir dans les médias, alors que les service de presse du Premier ministre devaient la croire enterrer. Dans un portrait de la ministre de la Francophonie Yamina Benguigui paru hier, L'Express revient sur l'une des "affaires" qui auront émaillé le début de quinquennat de François Hollande, et auront été aussi vite "oubliées". Un membre du gouvernement Ayrault à la terrasse d'un palace cannois, voilà une manifestation d'un goût de luxe qui a coûté cher en d'autres temps…
18 mai dernier. La France se divise entre deux événements majeurs : les débuts de la "présidence normale" de François Hollande, et le 65e anniversaire du Festival de Cannes. La proximité du peuple contre la surenchère de paillettes. Trois jours plus tôt, le nouveau Premier ministre Jean-Marc Ayrault était nommé par Hollande.
Nommée deux jours plus tôt
Le 16 mai, ce même Ayrault présente son gouvernement. Parmi les rares personnalités issues de la société civile à en faire partie, on note la cinéaste Yamina Benguigui, alors nommée ministre déléguée aux Français à l'étranger (responsabilité réduite depuis à la Francophonie lors du mini-remaniement après les législatives). Tous connaissent le côté paillettes de cette artiste d'origine algérienne, amie de longue date de Rachida Dati, et ancienne adjointe à la Mairie de Paris, en charge des Droits de l'Homme et de la Lutte contre les discriminations.
Voilà donc que ce 18 mai, deux jours donc après la nomination du gouvernement, un tweet de Sébastien Calvet, photographe au quotidien Libération présent au festival de Cannes, qui s'étonne à 18 h 18 via des propos explosifs :
@SebCalvet Tiens! Yamina Benguigui travaille ses dossiers a la terrasse du martinez a cannes...
Très vite, la nouvelle se répand sur le net. Plusieurs sites proches de la droite et de l'extrême gauche crient au retour de la "gauche caviar". Matignon, qui surveille les réseaux sociaux, découvre la nouvelle. Le sang de Jean-Marc Ayrault ne fait qu'un tour. Deux jours après le début du quinquennat, le spectre d'une deuxième "affaire Fouquet's", qui avait entaché de façon permanente la présidence de Sarkozy, est toujours bien présent. Il faut impérativement endiguer l'affaire.
On apprend que la présence de Benguigui était programmée avant son entrée au gouvernement, et qu'elle "n'a pas envisagé d'y renoncer – quelle idée !", écrit L'Express, précisant que la cinéaste a ses habitudes au Martinez, l'un des palaces les plus chers de la Croisette. Pourquoi changer ?
Des "habitudes" au palace Martinez, sur la Croisette
Le site du Figaro dévoile que Benguigui doit participer à la "mise en place du Fonds panafricain pour le cinéma et l'audiovisuel". Mauvais timing : la cérémonie se déroule en début de festival, avant même que la toute nouvelle ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, n'y fasse sa traditionnelle visite (elle ne montera les marches que le dimanche 20 mai, pour la soirée du 65e anniversaire du festival).
Il faut donc absolument empêcher Yamina Benguigui de monter les marches avant Aurélie Filippetti. Jean-Marc Ayrault demande à son directeur de cabinet de lui interdire de fouler le tapis rouge. Il faut également étouffer les rumeurs qui fleurissent sur le web, selon lesquelles le déplacement de Yamina Benguigui aurait été fait aux frais de l'Etat. On précise rapidement dans la presse que ce déplacement était d'ordre "privé", donc aux frais de la nouvelle ministre. Tout comme le Fouquet's… Mais le symbole est égratigné. Benguigui perdra après les législatives une partie de ses attributions. Et le côté "diva" de ministre serait très mal vu au gouvernement.
Comme un paradoxe qu'il vaut mieux cacher…